I/Fixer les objectifs de la prise en charge (voir la fiche correspondante)
Afin de fixer les objectifs de la prise en charge, il est nécessaire d'effectuer une évaluation préalable. C'est en effet en fonction d'où en est l'enfant actuellement qu'on pourra déterminer quelle est la prochaine étape. Ainsi, par exemple, si l'enfant joue seul d'habitude, et ne s'intéresse pas à l'environnement extérieur, l'objectif sera de développer le goût de la communication et l'envie de jouer avec l'autre. S'il commence à demander à jouer avec son interlocuteur, il faudra favoriser ces demandes, l'encourager dans ces jeux, les faire durer plus longtemps. C'est ensuite qu'on tentera de lui faire utiliser « ses propres mots » (ses mouvements, sons), et de lui faire prendre son tour dans la « conversation » de manière plus élaborée.
L'évaluation consistera en l'observation des comportements de l'enfant, dans des situations permettant de constater ses compétences point par point, dans les domaines correspondant aux différents objectifs de suivi.
Il sera nécessaire d'observer chaque compétence sur deux ou trois séances, pour s'assurer des résultats retenus. En effet, il peut y avoir d'une fois à l'autre une assez forte variabilité dans les réussites de l'enfant.
Pour la passation d'une réelle évaluation quantitative, on pourra utiliser « the Communication Matrix » de Rowland, sur laquelle repose notre fiche 7. Elle est adaptée à ces enfants et est spécifique aux premiers développements de la communication ; son utilisation gratuite se fait en ligne, en anglais, et donne un profil de communication de l'enfant, qui permettra également de voir ses progrès.
Pour un support français, on peut également utiliser la grille d'évaluation de la communication de la personne en situation de grand handicap, initialement élaborée au sein du mémoire de Naud (2004) encadré par Crunelle, et développé pour le protocole du CHESSEP. Elle est tout à fait à fait adaptable : on considérera tout moyen de communication comme « langage » ou « mot » au lieu de la parole seule, et bien sûr on ne considérera pas un niveau comme non atteint si le double-handicap sensoriel est impliqué (par exemple si l'enfant ne perçoit pas certaines intonations de la voix à cause de sa surdité, ou ne désigne pas d'images à cause de sa cécité).
Rappel des objectifs généraux de suivi, pour le développement de la communication :
1- Décentration de soi, et distinction de soi et de l'environnement : fiche 8
2- Vécu serein de l'environnement et anticipation : fiche 4, fiche 5, (fiche 1, fiche 2, fiche 6)
3- Prise de conscience de son pouvoir sur l'environnement : fiche 8
4- Appétence à la communication, tour de rôle : fiche 9, fiche 10
5- Construction du lien signifiant-signifié : fiche 5
6- Utilisation d'un code de communication iconique, enrichissement lexical : fiche 5, fiche 12, fiche 13, (fiche 7)
7- Intentionnalité et initiation : fiche 11
8- Conscience de l'aspect communicatif de la voix, développement des vocalisations : fiche 15
9- Extraction du contexte d'utilisation habituelle du mot, généralisation : fiche 16
10- Accès à un code de communication plus arbitraire : fiche 13, fiche 14, fiche 15
11- Possibilité de faire des choix : fiche 17
II/Travail des éléments du schéma de l'interaction
Une bonne communication doit suivre le schéma pragmatique de l'interaction, tel que le décrit Bas et al. (2006). Pour qu'elle comprenne un émetteur et un récepteur, l'enfant doit avoir conscience de lui-même comme être distinct de son interlocuteur ; pour qu'elle véhicule un message, l'enfant doit comprendre qu'il peut avoir un effet sur l'autre, vouloir communiquer, et donc initier le contact. Il doit enfin savoir respecter le tour de rôle.
II.A.Différenciation d'avec l'environnement et décentration
1.Conscience d'un environnement et distinction d'avec celui-ci (voir la fiche correspondante)
Par environnement, on désigne tout ce qui est du « non-moi » pour l'enfant, y compris les autres personnes.
La double déficience sensorielle laisse principalement à l'enfant ses sens de perception immédiats. Il a donc tendance à rester centré sur lui-même, et peut ne pas parvenir à se dissocier du monde extérieur.
Il s'agira de faire prendre conscience à l'enfant qu'il existe un environnement distinct de lui-même, en créant des situations dont les effets ne sont pas de lui, des actions dont il n'est pas à l'origine.
L'enfant va devoir également prendre conscience de l'autre, avec qui l'échange est possible, ce qui le distingue des objets. Il est donc particulièrement important qu'il puisse percevoir que les personnes voudraient établir une relation avec lui.
2.Conscience d'avoir un effet sur l'environnement et décentration (voir la fiche correspondante)
Parallèlement à la distinction du moi et du non-moi va se développer la prise de conscience par l'enfant qu'il peut avoir un impact sur son environnement, ce qui poursuivra la progression de l'enfant vers une décentration.
On travaillera beaucoup avec les retours auditifs de l'enfant sur ce qu'il fait. Pour les enfants ayant peu ou aucune récupération auditive, les contacts corporels en réaction à ses actions sont une bonne alternative, et les retours visuels peuvent également être exploités.
Dans ce même objectif, il est important de tenir compte de l'enfant pour le rythme et le mode de l'échange, ou pour le choix des activités. En agissant selon ce qu'il nous signifie, on lui montre aussi que ses manifestations sont observables, ce dont un enfant aveugle peut ne pas avoir conscience.
II.B.Initiation du contact et intentionnalité (voir la fiche correspondante)
Afin de favoriser l'initiation de la communication par l'enfant, on donnera toute leur importance aux productions spontanées de l'enfant, en les encourageant, y répondant, et satisfaisant ses demandes.
Pour que l'adulte sache si l'enfant se plaît dans les interactions, l'idéal est de pouvoir constater à un moment donné qu'il agit par lui-même, avec une pensée dirigée vers un but précis. Cette intentionnalité ne vient pas d'elle-même et demande donc à être stimulée.
Il s'agit donc pour l'adulte de provoquer chez l'enfant un attrait pour les objets qu'il lui présente. L'objectif est que l'attrait soit suffisamment important pour que le jeune pense à l'objet en son absence et essaie de le réclamer. En effet, si on ne fait que devancer tous les désirs de l'enfant, il n'a rien à demander, et la communication lui est alors inutile. Pour cela, tout le savoir-faire de l'adulte résidera dans sa capacité à faire exister ces objets pour l'enfant. Le travail du thérapeute va donc se porter sur l'objet cible. Ce dernier doit être le plus attractif possible, pour que l'enfant aime le voir et le manipuler, et ainsi souhaite le retrouver une prochaine fois.
La ritualisation permet, à force de répétitions, que l'enfant puisse anticiper et produire spontanément un mot, si on a toujours accompagné une situation spécifique de ce mot. On aura par exemple toujours fait le geste « au revoir » en coaction, après avoir raccompagné l'enfant en fin de séance ; au bout de nombreuses fois il pourra reconnaître le contexte et effectuer le geste au revoir de sa propre initiative.
De même, les comptines sont propices à des productions spontanées de la part de l'enfant, de par leur forme répétitive. A cause de la double déficience sensorielle de l'enfant, les principaux canaux utilisés dans les comptines sont plus difficilement perceptibles, en fonction de ses restes visuels et auditifs, mais on peut s'appuyer sur d'autres canaux, tels que le toucher, la kinesthésie, le souffle.
II.C.Appétence à la communication
L'appétence à la communication ne peut émerger que si les activités partagées avec l'enfant sont pour lui source de plaisir. De plus, seul un enfant qui a soif de communication cherchera à agir par lui-même. De ce désir de communiquer va donc dépendre son intentionnalité. Aussi va-t-il falloir favoriser le goût de l'échange, qui lui-même permettra de stimuler cette propension à agir dans un but voulu.
Certains comportements peuvent faciliter cette appétence, comme notre capacité à décrypter les comportements et productions de l'enfant, et à y répondre de manière adaptée. Dans le même objectif, l'imitation est une conduite tout à fait pertinente.
1.Décoder les manifestations de l'enfant
Le goût de l'échange sera certes conditionné par l'attrait des activités que l'on fera avec l'enfant. Le travail de l'enfant étant de jouer, il va donc falloir trouver des jeux significatifs et motivants, qui pourront être basés sur ses goûts et centres d'intérêts. Mais avant toute chose, cette disposition à communiquer dépend de la capacité de l'entourage à décoder les signaux qu'il émet et à lui en donner un retour signifiant.L'enfant doit comprendre qu'il est pris en considération etc compris, pour avoir envie de persévérer dans ses efforts.
2.Imitation (voir la fiche correspondante)
L'imitation joue un double rôle dans le développement de l'enfant : d'une part elle permet de reproduire ce que l'on voit faire par observation puis assimilation ; d'autre part grâce à elle il est possible de communiquer sans parler. D'après Baron-Cohen (1988), même si elles peuvent être limitées, tout enfant a des compétences pour imiter et pour faire l'expérience d'être imité par une autre personne. Les difficultés visuelles et auditives de l'enfant peuvent rendre l'imitation très difficile d'accès.
Si elle est possible toutefois par un canal ou un autre, il faut saisir cette occasion pour travailler deux domaines utiles à la communication : le tour de rôle (pour le tour de parole) et la synchronie temporelle (faire en même temps la même chose). La capacité de l'enfant à imiter lui permet de comprendre qu'il est doué d'intention (l'imitation a alors un rôle de communication) et qu'il est apte à faire la même action que l'autre (dans ce cas l'imitation a un rôle d'apprentissage). Et inversement, se voir imité en même temps lui fait prendre conscience que ses propres actes peuvent être à l'origine de ceux des autres. Enfin, l'imitation aide également à diriger et maintenir le regard de l'enfant, et participe au travail de l'attention : pour imiter, il faut regarder la personne qui est en train d'agir, s'adapter à son rythme.
L'imitation participe au goût de l'échange, prépare l'enfant à s'exprimer. Elle permet aussi de travailler l'anticipation, puisque lorsque l'enfant aura compris qu'il est la source des actions de l'adulte, il les devancera.
3.Les comptines (voir la fiche correspondante)
Sabourin explique que les comptines sont un mode d'interaction qui permet de ne pas réduire la communication à une transmission d'informations, consignes, ou demandes : ce sont des interactions qui reposent sur le plaisir et le jeu. Ce type de routines interactives permet d'avoir un échange réussi (et donc d'en donner le goût à l'enfant), puisqu'il regroupe tous ses ingrédients : thème commun, attention conjointe et ajustement entre les deux interlocuteurs, redondance, plaisir, partage d'émotions et prise en compte des émotions de l'autre par l'interlocuteur, etc.
De plus, comme elles sont souvent appréciées, elles permettent que l'enfant initie une demande (à tout moment, au moment consacré à cette activité pendant la séance, ou quand on le lui propose), et lui permettent de voir l'intérêt d'utiliser la communication.
4.L'interaction (voir la fiche correspondante)
Les interactions de l'enfant atteint de surdicécité congénitale sont parfois difficiles à détecter. Mais si l'adulte ne donne pas de retour au message de l'enfant ou ne sait les déchiffrer, ce dernier risque de cesser ce type de production.
Il faut en outre bannir les comportements d'aide à outrance qui empêchent l'enfant de progresser, et le considérer au maximum comme capable de gérer et comprendre les différentes situations de sa vie. C'est pourquoi il est important de ne pas tout simplifier à son niveau, de lui laisser le temps de découvrir seul des nouveautés au lieu de tout lui expliquer d'emblée, de lui proposer autre chose que ses plats et musiques préférés, de le prévenir à l'avance qu'il sera plus tard conduit à tel endroit pour telle activité etc. Le fait de gérer l'enfant sans l'impliquer dans l'organisation de sa vie le met dans une telle passivité qu'on lui supprime l'expérimentation et le besoin de l'interaction.
II.D.Attention conjointe et tour de rôle (voir la fiche correspondante)
L'attention conjointe et soutenue, de même que le tour de rôle, sont travaillés dans les jeux d'échanges, qui permettent d'ailleurs de stimuler l'interaction.
L'attention conjointe est très importante puisqu'elle permet à la théorie de l'esprit de se développer chez l'enfant. Au cours de ces activités que sont les jeux d'échanges, l'enfant doit être attentif à la fois à ce qui lui est demandé et à ce que fait l'autre, il doit interagir, attraper ou laisser, donner ou recevoir, attendre ou prendre son tour. D'une part il est acteur, et d'autre part il se trouve confronté à des règles, à une séquence ordonnée à respecter, et à des gestes de l'adulte donnant des informations temporelles, spatiales et interpersonnelles. Etant très soutenue par le regard, l'attention conjointe est peu accessible à l'enfant atteint de surdicécité, ou est perturbée.
L'imitation est un préambule au tour de rôle, qui lui-même prépare au langage et met l'enfant dans une situation de choix et d'initiative : il a la possibilité de répondre d'une manière ou d'une autre (en répétant l'action en cours ou en la modifiant), de signifier un demande (s'il souhaite poursuivre, interrompre ou varier l'activité).
III.A.Avant la mise en place d'un code de communication (voir la fiche correspondante)
1.Pointage (voir la fiche correspondante)
Le pointage est très important puisqu'il permet aux enfants de nous parler d'une chose à distance. Il est compris et produit par eux comme un acte de communication. Cette forme conventionnelle mais non symbolique est à la base des interactions langagières puisqu'en l'utilisant, l'enfant dirige son attention et celle d'autrui vers un objet précis. L'apprentissage du pointage fait donc travailler l'attention conjointe et l'imitation.
Le pointage a une valeur sociale : par lui, l'enfant établit une attention conjointe avec l'adulte ; il a aussi une fonction référentielle : en pointant, il isole dans l'environnement un objet qui l'intéresse.
Quatre fonctions pragmatiques caractérisent le pointage :
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La première est la requête (pointage proto-impératif) : l'enfant signifie à l'adulte qu'il souhaite obtenir tel objet qu'il ne peut atteindre.
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La deuxième est l'assertion (pointage proto-déclaratif) : l'enfant utilise l'objet comme pour le dénommer ou le commenter et obtenir ainsi l'attention de l'adulte.
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Puis vient la localisation en tant que réponse à une question de l'adulte (pointage informatif).
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Enfin, le pointage interrogatif est employé pour demander une information.
En revanche, le pointage peut être très limité chez les enfants ayant une surdicécité puisqu'il nécessite soit d'avoir une vue efficace, soit de posséder les objets cibles à portée de main. Il sera donc plus laborieux chez les enfants dépourvus de restes visuels d'accéder au pointage.
2.Lien signifiant-signifié (voir la fiche correspondante)
Avant l'utilisation d'un moyen de communication avec l'enfant, il est nécessaire de construire tout d'abord la structure de base de l'apprentissage d'un code : la prise de conscience d'un lien signifiant-signifié. Pour cela, on part de ce que l'enfant connaît bien : les objets et actions de sa vie quotidienne, les activités qu'il aime.
La structuration de l'environnement de l'enfant va lui permettre d'anticiper et de faire des liens entre les différentes informations qui lui arrivent. On va donc lui fournir des qu'il pourra relier aux activités proposées à la suite. Pour cela, on utilise les objets de référence (voir la partie III.E. dans les Conseils spécifiques). On passera ensuite à l'utilisation de gestes personnels désignant l'activité, qui dématérialisent la notion de code.
Il est très important que le signifié soit connu de l'enfant, que celui-ci ait pu l'expérimenter, par tous les canaux de perception possible, mais aussi par l'utilisation, afin qu'il possède les informations nécessaires à la mise en lien avec le signifiant (qu'on choisit bien représentatif et correspondant au vécu que l'enfant a du signifié).
L'enfant va ensuite devoir passer de la compréhension d'un lien entre un signifiant et un signifié à l'utilisation du signifiant pour faire une requête. Dans ce but, il pourra réutiliser les objets de référence pour demander l'activité ou l'objet correspondant ; à nous aussi d'utiliser ses productions spontanées pour débuter avec la notion complexe du code. Cependant, les productions spontanées de l'enfant ne permettront pas de créer de représenter tous les mots ciblés pour le lexique, et il sera nécessaire de passer à un code plus conventionnel, tel que les gestes de la langue des signes, les pictogrammes, photos, l'écriture...
3.Choix d'un code de communication
Le choix du moyen de communication va se faire en fonction des objectifs de communication fixés et des possibilités de l'enfant. L'outil qui sera choisi aura pour but de développer sa pensée et sa communication. Il ne faut pas perdre de vue que les troubles associés des enfants ayant une surdicécité congénitale leur rendent les tâches plus difficiles, ils peuvent être limités dans leur production gestuelle et dans leur perception sensorielle, si bien qu'il y a la plupart du temps un écart entre ce qu'ils expriment et ce qu'ils souhaitent exprimer.
D'après Dumoulin (1981), chaque enfant a un canal de communication privilégié, et est à un stade différent d'acquisition, de compréhension, et d'expression. Il s'agit donc de chercher quels sont les moyens que l'enfant utilise de manière préférentielle pour comprendre et s'exprimer.
Sa progression étant très ralentie par ses déficits sensoriels, il lui sera sans doute difficile et long de passer d'étape en étape. L'adulte, de son côté, devra maintenir son attention sur le langage du corps, les expressions faciales, et les vocalisations de l'enfant. Il devra aussi faire un usage considérable de ce qui est préféré par l'enfant : objet de référence, photos, dessins, différentes textures ; et soutenir le tout par le langage oral.
Gestes (voir la fiche correspondante) :
Les gestes ont un rôle prépondérant dans le développement de la communication en cas de surdicécité congénitale, s'ils sont bien adaptés. Pour les enfants ayant suffisamment de restes visuels, il faudra s'adapter à leur champ de vision et trouver la bonne distance. Ceux ayant une cécité totale peuvent effectuer les gestes en coaction avec l'adulte, ou placer leurs mains sur celles de l'adulte qui effectue les gestes sur lui-même.
L'emploi des gestes peut être varié, il est possible de choisir des gestes dans différents répertoires ou modalités pour un même enfant :
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Les gestes personnels peuvent êtres inspirés des gestes conventionnels ; on les choisit évocateurs du vécu de l'enfant : ils miment l'usage d'un objet, reproduisent les sensations éprouvées à son contact ou durant l'activité, ou miment les caractéristiques physiques des personnes...
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Le Coghamo est un langage gestuel dont les gestes, polysémiques et très simples de par leur structuration, ont été élaborés à partir de ceux du français signé et de la vie quotidienne. Il est de ce fait destiné aux personnes atteintes de troubles moteurs, et est limité à un lexique de 107 gestes. Il a pour but d'exprimer des besoins fondamentaux.
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La langue des signes est constituée de gestes conventionnels. Son apprentissage se fait d'une manière analogue à l'acquisition du langage oral : il faut d'abord se pencher sur le lexique en mots isolés, puis progressivement élargir à des phrases qui se complexifieront ; la syntaxe cependant reste très difficile à acquérir. La langue des signes joue un rôle essentiel dans l'accès au symbolisme et au langage.
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Le Makaton est un système d'association des gestes de la langue des signes et de la parole, avec éventuellement des pictogrammes ; il s'agit d'une approche multimodale qui est en conséquence tout à fait adaptée à la surdicécité, dans la mesure cependant des capacités visuelles et de l'accès à la symbolisation de l'enfant pour les pictogrammes. Son atout est d'être constitué de différents lexiques classés en niveaux progressifs, permettant de commencer par du vocabulaire fonctionnel.
-
La méthode Baby signs a comme avantage de présenter une sélection des gestes de la langue des signes étant les plus basiques et utiles au quotidien, ce qui permet un choix plus facile, dans un panel plus restreint, des gestes à apporter à un enfant.
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L'alphabet dactylologique est basé sur des configurations de la main, c'est-à-dire qu'à chaque lettre correspond une configuration. Les lettres sont épelées successivement et le patient les perçoit visuellement s'il le peut, ou tactilement en mettant ses mains sur celles du locuteur. Il est également possible de dériver leur utilisation en se servant de l'initiale d'un prénom comme geste pour désigner une personne. Cet apprentissage peut être utile si l'on souhaite que l'enfant soit capable par exemple d'épeler son nom, un objet ou lieu apprécié. Toutefois, pour un grand nombre de personnes sourdaveugles congénitales, l'accès à ce moyen de communication sera difficile voire impossible.
Les pictogrammes (voir la fiche correspondante) :
Les pictogrammes constituent un système alternatif de communication la plupart du temps efficace tant pour l'enfant que pour son entourage. Ils ne sont cependant pas accessibles à tous les enfants porteurs d'une surdicécité, aussi faudra-t-il parfois se contenter de photos ou de dessins dans le meilleur des cas.
Il est possible de créer des pictogrammes tactiles, mais ils seront tout à fait différents des pictogrammes visuels. Ils doivent moins s'attacher à représenter la forme de l'objet qu'à rappeler l'expérience tactile et motrice qu'en a fait l'enfant. Effectivement la représentation que se font les personnes sourdaveugles des objets de leur environnement est essentiellement kinesthésique et tactile et donc très éloignée de celle des images visuelles.
En ce qui concerne les pictogrammes visuels, leur utilisation est conditionnée par l'acquisition de la fonction symbolique. Le dessin doit ressembler à l'objet, la personne ou la situation représentée. Il est souvent nécessaire de commencer l'utilisation de ce code de communication par des photos et d'introduire puis de remplacer progressivement les photos par des dessins.
Secqueville (1995) explique que les pictogrammes sont possibles à partir de la fin du stade pré-opératoire piagétien, et le début des opérations concrètes (correspondant à deux ans chez l'enfant ordinaire). Pour les codes plus complexes (idéogrammes, combinatoire) l'âge de développement requis est de 4 ans, par rapport au développement ordinaire décrit par Piaget. Il faut donc voir si l'utilisation de pictogrammes est compatible avec le niveau de compréhension de l'enfant, son stade de développement (imitation, relation de cause à effet, permanence de l'objet, …), ses possibilités motrices, ses restes visuels, son niveau d'attention, sa capacité à suivre des instructions verbales, et sa capacité à maintenir un contact oculaire.
Les pictogrammes ont l'avantage de pouvoir décliner tous les mots de la langue, et donc d'accompagner ou d'être soutenus par l'apprentissage d'une langue signée. Ils sont en effet adaptables à n'importe quelle syntaxe. Ils permettent également d'introduire le code écrit (en mettant sous chacun d'eux le mot correspondant).
Notons qu'en présentant à l'enfant des représentations d'un même objet de diverses formes et couleurs, on attire son attention sur celles-ci, ce qui permet d'étendre le concept à différents contextes.
Ecriture en gros caractères (voir la fiche correspondante) :
L'écriture en gros caractères peut aider un enfant à accéder à la lecture. Seuls les enfants ayant des restes visuels et des capacités cognitives suffisants pourront éventuellement y accéder. Il s'agira pour l'enfant de reconnaître les mots de manière globale, parfois à l'aide d'une transition par des pictogrammes ; une véritable lecture sera impossible.
Le choix du moyen de communication doit se faire, selon le BIAP, selon trois critères : l’analyse des compétences du patient concerné, sa facilité d’accès et d’utilisation par rapport à ces compétences, et les conditions dans lesquelles l’enfant et son entourage sont amenés à s’en servir.
Analyse des compétences du patient (voir la fiche correspondante) :
Dans sa recommandation 17/5 - 21/6, le BIAP précise :
« Les atteintes dont est affectée la personne peuvent présenter des formes et degrés divers, du handicap associé léger au polyhandicap. Chez certaines personnes le profil fonctionnel de « réception » des informations peut être très différent de celui de « production ».
Afin de choisir ou d’adapter un moyen de communication, le BIAP recommande :
-D’établir, en prenant le temps nécessaire, ce profil fonctionnel en évaluant les compétences perceptives, neuromotrices, cognitives (en particulier le niveau symbolique atteint), linguistiques et socio-affectives.
-D’évaluer l’importance des déficiences, des incapacités et des désavantages qui en résultent.
« Déficience, incapacité, désavantage », (d’après la Classification du fonctionnement, du handicap et de la santé) :
Déficience : c’est une perte de substance ou altération d'une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique. La déficience correspond à l’aspect lésionnel, et équivaut à la notion d’altération d’une fonction. Ex : amputation, et/ou déficit en résultant : paraplégie.
Incapacité : ce terme désigne la réduction partielle ou totale, et résultant d’une déficience, de la capacité d'accomplir une activité d'une façon ou dans les limites considérées comme normales. Elle équivaut à la notion de limitation d’activité. Ex : incapacité à marcher, à se laver, à mémoriser.
Désavantage : il correspond aux limitations ou impossibilités d’accomplir un rôle social normal en rapport avec l'âge, le sexe, les facteurs sociaux et culturels. Il est la conséquence des déficiences ou des incapacités. Ex : impossibilité de gagner sa vie, avoir un emploi.
-De tenir compte de la potentialisation des handicaps associés (BIAP Rec.21/02 : il ne s’agit pas d’une simple addition de handicaps). Une atteinte importante dans un domaine (ex : cécité complète, handicap moteur majeur….) peut être déterminante dans le choix du moyen de communication sans pour autant négliger les autres affections.
-D’être attentif à l’évolution (favorable ou régressive) de la polypathologie. »
Enfin, il faudra tenir compte de l’évolution des différentes pathologies, qu’elle soit positive ou défavorable.
Accessibilité du moyen de communication :
Il est nécessaire d'évaluer tout ce que ce code sollicite de la part du jeune. Le BIAP dans sa recommandation 17/5 - 21/6 propose une analyse des moyens de communication :
« Les moyens de communication doivent permettre :
-d’interagir : formuler des demandes, planifier les actions, échanger des informations …
-de se représenter le monde extérieur
-de se représenter le monde interne des émotions
-de développer et soutenir des apprentissages
Pour atteindre ces objectifs, le BIAP recommande d’identifier, pour tout moyen de communication envisagé, les éléments suivants :
-
Les modalités sensori-motrices sollicitées tant en expression qu’en réception : auditive, orale, visuelle, motrice, proprioceptive, kinesthésique, manuelle, olfactive, gustative …
-
Le niveau symbolique (degré d’abstraction) :
-objets concrets
-représentations de l’objet (photos, vidéos …)
-représentations imagées (dessins, pictogrammes …)
-représentations symboliques abstraites (certains pictogrammes, signes, mots …). Le lien entre la forme symbolique et la réalité est arbitraire et conventionnel
- La portée communicationnelle :
-système ouvert (génératif ou composé d’un nombre élevé de symboles) ou fermé (nombre limité de symboles)
-simplicité (facilité de manipulation et/ou d’apprentissage)
-possibilité de réponse immédiate (ex : communication orale ou manuelle …) ou différée (ex : nécessité d’un support matériel)
-disponibilité des moyens matériels rendus nécessaires par la polypathologie (objets concrets, photos, images, pictogrammes, synthèses vocales, …)
-
La charge cognitive : les sollicitations des ressources attentionnelles, émotionnelles, mnésiques…
Les moyens de communication choisis doivent être non-limitatifs, dynamiques et permettre une progression dans la symbolisation, les échanges et la complexité linguistique.
Des adaptations sous forme de simplifications (même si l’outil est parfois rudimentaire) ou encore des combinaisons de systèmes devront être envisagées en fonction des handicaps.
On insistera particulièrement sur la plurisensorialité des moyens de communication choisis : par exemple, associer l’oralisation à des codes gestuels ou non-verbaux, des pictogrammes ou des idéogrammes à des mimiques faciales, des codes moteurs à des aides techniques…
On veillera à choisir des moyens de communication dont l’efficacité a été validée, si possible, par des recherches scientifiques.
Il convient d’exiger des professionnels, en association avec la famille, une cohérence dans les stratégies proposées. Ceux-ci veilleront notamment à ne pas multiplier les codes pour un même objectif, tout en évitant de s’enfermer dans un seul système de communication. »
Conditions et stratégies d’utilisation des moyens de communication (Recommandation BIAP 17/5 - 21/6) :
« L’action des professionnels, bien que freinée par l’importance des handicaps, doit tenir compte de la plasticité cérébrale qui permet des apprentissages à tout âge.
Les moyens de communication choisis doivent être utilisés dans un contexte interactif entre la personne en situation de handicap et son entourage familial, les aidants professionnels et ses pairs.
Le BIAP recommande leurs mises en œuvre dans les conditions et modalités pratiques suivantes:
- Optimiser les conditions de réception et d’expression de la personne en situation de handicap en tenant compte de son profil sensoriel et moteur par la mise en place d’aides techniques, par la sécurisation motrice…
- Aménager des situations de bien-être, de plaisir.
- Créer des contextes propices à la communication et à l’échange.
- Choisir le contenu des échanges à partir de l’observation de la personne en situation de handicap et non à partir de programmes préétablis : trouver ce qui le stimule et ne pas le stimuler de manière inadaptée.
- Rechercher la communication en étant réceptif à toute tentative d’expression ou de demande si minime ou différente soit-elle de la communication orale.
- Repérer ces émergences de communication et les solliciter dans une situation contextuelle bien définie pour progressivement leur donner du sens.
- Laisser le temps nécessaire à chaque personne en situation de handicap de s’intéresser à ce que l’on fait/dit, de comprendre, puis d’exprimer une réponse sous une forme qui correspond à ses possibilités.
- Accompagner et commenter le vécu quotidien de la personne et ses émotions avec les moyens de communication adéquats (toucher, mimiques, gestes, mots, pictogrammes …)
- Répéter la même stimulation jusqu’à ce que la personne en situation de handicap exprime ou manifeste un « accrochage » à cette stimulation ; tenter ensuite de diversifier les situations pour installer une interaction communicative. »
III.B.Mise en place d'un code de communication
1.Gestes (voir la fiche correspondante)
a-Prelinguistic Milieu Teaching (PMT) (voir la fiche correspondante)
Avant d'arriver à des gestes symboliques, certains gestes évocateurs pour l'enfant, mais tout de même conventionnels, dans le sens où ils sont reconnus par tous, peuvent lui être appris. Le but est de développer chez l'enfant la communication intentionnelle, à un stade antérieur à celui de l'apprentissage de gestes symboliques, pour lui permettre de déjà mieux se faire comprendre de tous. Une étude réalisée sur des enfants atteints de surdicécité (Bashinski S. et Brady N. (2008), citées par Malloy P. (2009)) a montré que l'apprentissage de ces gestes leur permettait d'améliorer leur communication : à la fin de l'étude, tous les enfants amorçaient un nombre beaucoup plus important d'échanges de leur propre initiative qu'au départ, et utilisaient de nouveaux gestes.
b-Coaction et imitation (voir la fiche correspondante)
Dumoulin (1981) explique que les gestes d'un système de communication doivent obligatoirement passer par la perception corporelle de l'enfant atteint de surdicécité congénitale, afin d'être bien intégrés.
Il est nécessaire qu'ils soient tout d'abord effectués sur lui (on les lui fait faire), puis dans un second temps avec lui (réelle coaction). Progressivement, s'il a des restes visuels, l'enfant pourra imiter les gestes montrés par l'adulte, avec de moins en moins d'aide en coaction. Puis l'importance du modèle de l'adulte s'amenuisera.
c-Enrichissement lexical (voir la fiche correspondante)
Discours à l'enfant :
Il est important de verbaliser toutes les situations avec l'enfant ayant une surdicécité : commentaires, questions, sentiments, instructions... La verbalisation se fait par la parole, mais la surdité impose de compléter par un autre canal. C'est là que les gestes ont leur importance, en permettant cette verbalisation permanente.
Dans le but de fournir ce bain de langage, on ne donne pas seulement les mots (à l'oral et en gestes) correspondant à notre projet rééducatif : il faudra saisir les occasions de fournir un mot quand on pense que l'enfant a le concept en tête (le nom d'un objet si on le manipule, le nom d'une personne si on la croise, le mot « content » s'il paraît content, etc.). Pour se faire une bonne idée des mots à donner dans les situations spontanées, on peut résumer par ce que nous indiquent Miles et Riggio (1999) (cités par Miles et McLetchie (2008)) : utiliser les mots qu'on pense que l'enfant dirait s'il pouvait parler.
Il ne s'agit donc pas de submerger l'enfant d'informations. Signer toutes ses phrases en LSF paraît trop complexe pour la plupart de ces enfants, de même que pour les accompagnateurs qui y sont rarement formés, mais on peut signer quelques mots essentiels de son discours, ceux qui permettent de savoir de quoi on parle.
Un point essentiel, quand on cherche à introduire ou établir un mot en particulier, est d'en fournir de nombreuses occurrences dans son discours oral, et de répéter plusieurs fois le geste au cours du temps de travail autour de ce mot.
Les mots à introduire :
Le lexique par lequel on entre en relation avec autrui tel que « bonjour/au revoir, s'il te plaît/merci... » a l'avantage d'être répétitif et de faire inévitablement partie de la vie quotidienne de nos jeunes patients. De même il est intéressant d'aborder avec une attention particulière les termes des moments qui rythment le quotidien de l'enfant : « dormir, manger, bain, voiture... ». On veillera également à choisir le vocabulaire travaillé en fonction de l'enfant (par exemple choisir « voiture » ou « bus » selon le moyen de transport utilisé par l'enfant, « chien » ou « chat » s'il a l'un des deux à la maison, etc.).
L'enfant doit bien connaître ce qui est représenté par le geste : l'avoir vu, entendu, manipulé, utilisé...
Hormis les mots utiles au quotidien, il est primordial de partir de ce qui intéresse l'enfant, d'une part parce que cela respecte le principe d'une situation de communication normale, d'autre part parce que si l'enfant n'a pas d'intérêt pour l'activité il ne formulera pas de demande pour celle-ci. Le « encore » est un des premiers gestes à apporter. En effet, avant d'attribuer un geste à une activité, il faudra avoir un moyen reconnaissable de savoir si l'enfant l'apprécie et donc veut la recommencer, pour pouvoir satisfaire sa demande.
Si l'enfant possède déjà les mots essentiels, on peut diversifier avec ceux qui y sont relatifs. Par exemple, pour le mot « dormir », les mots en lien seraient «pyjama» ou «habiller»/«déshabiller», «lumière» ou «allumé»/«éteint», « lit », ...
On n'oubliera pas les gestes permettant d'exprimer ses émotions, particulièrement celles qu'il ne sait pas déjà nous communiquer par un autre moyen. Par exemple, un enfant peut savoir exprimer très clairement sa colère ou son mécontentement, et ne donc pas avoir besoin pour le moment d'un geste spécifique, puisqu'il est entendu ; mais il peut, quand il est content, et même si cela est visible, ne rien nous exprimer volontairement. La différence se situe entre ce qu'il nous communique intentionnellement (si cela est fonctionnel, c'est suffisant dans un premier temps) et ce qu'on décèle de nous-mêmes (sur lequel il faudra mettre un geste).
Les moyens :
La présentation/description des objets est un moment idéal car on peut y réaliser de multiples stimulations. Elle est l'occasion de ritualiser les demandes de l'enfant ; c'est là que l'on associe l'objet (exploré et manipulé, pour découvrir son usage et ses traits caractéristiques) avec le geste et l'émission sonore (dont on peut faire sentir les vibrations) qui lui correspondent. Ce sera aussi l'occasion de bien l'observer durant la manipulation pour savoir quelles sensations il recherche et ainsi mieux connaître ce qui l'intéresse.
d-Précision motrice des gestes (voir la fiche correspondante)
Même si le geste est devenu possible en spontané, ou du moins sans coaction, sa précision motrice peut être insuffisante à son identification par l'interlocuteur. En effet, les représentations qu'a l'enfant des différents espaces de son corps peuvent être floues, ou les capacités motrices être réduites ; ainsi, le geste peut être mal formé, ou mal placé.
Dans le but de modifier progressivement un geste effectué par l'enfant, on pourra replacer ses mains quand il l'effectue. Il sera important de travailler en lien avec le psychomotricien et l'ergothérapeute, pour avoir connaissance des possibilités de l'enfant, nous pourrons ainsi savoir dans quelle mesure un geste pourra être corrigé, mais aussi quels gestes peuvent être choisis pour lui.
Avec les comptines, l'enfant développe la coordination de ses gestes et l'orientation spatiale ; il affine sa connaissance des parties de son corps. Le rythme et la mélodie de la chanson donne une base organisée qui évite la production de gestes désordonnés et harmonise les mouvements de l'enfant.
Toutefois, si les difficultés restent importantes et qu'il n'est pas possible d'identifier les gestes de l'enfant, ou dans le cas d'un enfant qui ne fait pas les gestes spontanément alors qu'il sait les effectuer quand on les lui montre (problème de mémoire, d'initiation...), on peut utiliser un support visuel, si cela est accessible à l'enfant. Ainsi, des photographies ou des pictogrammes peuvent être regroupés dans un carnet de communication dans lequel l'enfant désigne ce qu'il souhaite. Utiliser un tel type de support ne signifie pas devoir arrêter les autres canaux de communication possibles.
2.Code écrit verbal ou non-verbal (voir la fiche correspondante)
L'objectif de la lecture sera différent pour l'enfant atteint de surdicécité congénitale par rapport à l'enfant ordinaire. En effet, il ne va pas être question pour lui de savoir lire des livres. Le but est de lui donner la possibilité de prendre des indices afin de comprendre le contexte d'une situation, d'avertir, d'exprimer un besoin.
Une première sensibilisation à l' écriture peut se faire dès le début de la rééducation, même si cela n'a aucune signification pour l'enfant : on écrit alors le mot correspondant sous les objets que l'on présente à l'enfant (objets, photos, dessins, pictogrammes etc). De cette manière, il peut se familiariser petit à petit avec le code écrit et concevoir que toute chose a un nom. Dans la mesure de ses capacités cognitives, il pourra par la suite comprendre que l'on puisse utiliser un mot pour un dessin. Le langage écrit chez l'enfant ayant une surdicécité congénitale va donc s'acquérir à partir des photos, dessins, pictogrammes. Il s'agit d'une reconnaissance globale du mot.
Les pictogrammes demandent un certain niveau de symbolisme que les enfants ayant une surdicécité congénitale acquièrent plus lentement. Il va donc falloir procéder méthodiquement et de manière très progressive pour leur permettre de comprendre ce qu'ils représentent.
3.Généralisation des mots appris (voir la fiche correspondante)
Pour l'enfant atteint de surdicécité congénitale, diminué dans ses perceptions, un mot qui lui est apporté peut être réduit à la manière dont on le lui a présenté. Ainsi, il peut ne pas faire le lien, par exemple, entre le geste représentant un objet et la forme orale perçue du nom de l'objet si elle est donnée à un autre moment. Il est important de lui permettre d'associer les différentes représentations d'un même concept, ainsi que le concept représenté lui-même.
De plus, l'enfant ayant moins de possibilité d'expérimentation et de perception de l'environnement, il est exposé à peu de contextes différents d'un même mot. Il aura donc tendance à attacher à un mot le seul contexte d'utilisation auquel il a été confronté, avec toujours exactement les mêmes objets, la même façon de procéder, sans savoir qu'avec des variations, le concept, et donc le signifiant représentant le mot, restent les mêmes. Il faudra donc fournir progressivement des stimuli variés pour un même mot.
Toujours dans l'idée d'extraire le concept d'un mot de sa situation d'apprentissage, on pourra travailler avec des photos, pour aider l'enfant à se détacher de l'objet lui-même.
III.C.Vocalisations (voir la fiche correspondante)
Par vocalisation, on comprendra ici tout bruit de bouche, que l'enfant utilise réellement la voix (cris, émissions répétées ou non de phonèmes ou syllabes...) ou uniquement les résonateurs (bruit des lèvres, de la langue, souffle sous forme de consonnes constrictives...).
Les vocalisations peuvent être utilisées au même titre que toute stimulation sonore, et en sont même un moyen privilégié puisqu'elles sont produites par une personne et véhiculent donc une communication. De plus, elles sont beaucoup plus adaptables à l'enfant et à nos objectifs que tout autre outil ou support sonore.
1.Sensibilisation à la voix (voir la fiche correspondante)
Même si notre objectif premier, au vu des possibilités de l'enfant, n'est pas de le faire parler, il est particulièrement important de le sensibiliser à l'aspect communicatif de la voix, canal qui sera utilisé par nombre des personnes de son quotidien. Pour cela, on verbalisera tout ce qu'on transmet à l'enfant par un autre canal.
Dumoulin (1981) nous dit que « la stimulation à la voix est capable de stopper complètement l'activité stéréotypée de l'enfant » à partir du moment où il se décentre de lui-même et prend en compte les autres. Même avant cela, la voix permet d'établir et maintenir un contact, et doit dans ce but être utilisée parallèlement au contact corporel. De plus, quand on voudra mettre une distance corporelle et spatiale avec l'enfant, pour favoriser sa différenciation du moi et du non-moi, on pourra garder le contact grâce à la voix.
On peut faire prendre conscience à l'enfant de ce qui se produit corporellement lors de l'émission de la voix, on lui faisant sentir sur nous et sur lui (principe de la méthode Tadoma, simplifié ici car il ne s'agira pas de lui faire reproduire des phonèmes spécifiques).
Il est fondamental que l'enfant vive l'éveil sonore et particulièrement l'éveil à la voix dans le plaisir.
2.Développer les vocalisations chez l'enfant (voir la fiche correspondante)
Dans un premier temps, les vocalisations ont tendance à être englobées dans les stéréotypies de l'enfant (Dumoulin (1981)), « il n'est pas capable de jeux vocaux imitatifs et intentionnels ».
On peut s'appuyer sur les productions spontanées de l'enfant et tenter de créer un tour de rôle à partir de celles-ci.
Il est important de surveiller le bon développement de l'alimentation, qui, avec la déglutition, stimule les praxies lingui-labio-jugales et prépare les mouvements nécessaires à l'articulation de phonèmes. Ces mouvements articulatoires peuvent paraître viser un objectif trop haut pour les capacités de l'enfant, cependant, ils permettront de moduler différentes vocalisations reconnaissables, sans qu'il soit question de parole, tout en permettant de laisser cette possibilité ouverte.
L'alimentation favorisera de plus l'appétence à la communication, puisque les repas sont des situations où nous satisfaisons aux demandes de l'enfant, sur lesquelles nous risquons alors peu de nous tromper.
L'hypersensibilité buccale se retrouve assez souvent dans le polyhandicap ; de même on peut retrouver un réflexe nauséeux très marqué, et un réflexe de mordre. Il est primordial d'effectuer un travail de désensibilisation, pour que l'enfant puisse en arriver à explorer des objets avec sa bouche comme tout jeune enfant en développement ordinaire, ait plaisir à manger, et s'amuse avec sa langue et à faire des expériences vocales.
Les jeux de voix et de sons vont permettre, une fois que l'enfant cherche à les reproduire, de faire jouer les mouvements articulatoires en tant que modulateurs des sons émis, ce dont on essaie de faire prendre conscience à l'enfant. Notamment, les comptines (sur des syllabes répétées par exemple) développeront les capacités articulatoires et la maîtrise du souffle.
3.Vocalisations porteuses de sens (voir la fiche correspondante)
Vocaliser dans le plaisir, l'échange, le jeu, va permettre d'en donner le goût à l'enfant. Mais au plus il y verra une utilité, au plus il s'y intéressera et les développera. Il ne faut donc pas hésiter à utiliser les vocalisations de l'enfant en tant que signifiant, au même titre que les gestes ou autre moyen utilisé, et cela d'autant plus si ses moyens de communication habituels sont limités (difficultés motrices, pas de restes visuels, etc.).
4.Perspectives de langage oral
Au niveau de la compréhension de la parole par l'enfant, à force d'entendre de nombreuses fois les mêmes mots dans les mêmes contextes, il pourra éventuellement les reconnaître et devenir capable de les comprendre par le seul canal vocal, si ses restes auditifs avec l'appareillage (implant cochléaire ou aides auditives) le lui permettent.
Quant à ce qu'un enfant aboutisse à la production de parole, on ne peut pas lui fermer cette possibilité, mais cela sera loin d'être la norme, même en cas de restes visuels et auditifs.
Comme le souligne Dumoulin (1981), « de là à ce que [la parole] apporte une réelle information et que les mots prennent du sens, il y a un très long et difficile chemin. Celui-ci aboutit parfois au langage. Dans certains cas cependant, il semble que l'enfant ne puisse jamais y parvenir ».
On ne peut pas présumer dès le début du niveau qu'un enfant atteindra, mais il convient de démarrer avec des objectifs adaptés à ses possibilités actuelles, sans pour autant fermer de porte pour la suite. Un premier objectif envisageable est de rendre possible un échange quel qu'il soit, le second serait la possibilité de faire des demandes, puis de poursuivre avec le développement d'un code de communication.